Ma critique:
Après les factieuses lettres d'Alexandre Dumas sur son voyage en Espagne, qui s'amusait de l'Espagne du début du XIXème siècle, voici une véritable fresque historique sur le siège de Cadis. Il aide d'ailleurs à mieux comprendre la fierté gaditane d'avoir été la seule ville espagnole (ne comptez pas Gibraltar, ni Ceuta), à ne pas avoir été envahi par Napoléon. Malgré un siège de plus de 2 ans, Cadix ne fût jamais réellement inquiétée, protégée par sa situation géographique. En effet, Cadix est une presqu'ile dont l'attache continentale est elle-même une île; formant ainsi un double rempart contre les armées napoléoniennes, qui se sont arrêté au Trocadero, en face de Cadix mais pas assez proche pour plonger la ville sous les bombes.
C'est à partir de ce fait historique qu'Arturo Pérez-Reverte développe la trame de son intrigue policière avec un serial killer qui saute sur l'occasion pour commettre ses crimes. En parallèle, il nous fait découvrir plusieurs personnages gaditans: du policer brutal et corrompu, de la belle héritière d'une importante compagnie de commerce maritime, du corsaire blasé prêt à risquer sa vie par amour, un paysan authentique jouant au guérilleros, un espion sous les traits d'un taxidermiste misanthrope et le noble artilleur français, plus intéressé par ses savants calculs que de gagner la guerre d'Espagne.
Au travers de ces personnages, Arturo Pérez-Reverte offre au lecteur toute une série de tableaux captivants. Le lecteur en a pour son argent, avec d'une part l'intrigue policière qui se complique quand les meurtres précèdent la chute des bombes, d'autre part, la romance impossible entre la jeune héritière et le beau corsaire. D'ailleurs, les amateurs de récits maritimes seront ravis. Les joutes sont assez difficiles à suivre, car le vocabulaire est d'une très grande richesse. Il suffit de lire quelques lignes du premier chapitre pour en avoir le tournis! Les marins adoreront!
Toutefois, à vouloir trop en faire, le célèbre auteur espagnol nous noie un peu: après une très bonne introduction des personnages, l'intrigue se perd un peu en conjectures et une grosse lourdeur se fait sentir dans le 2ème quart du livre, qui apporte peu de choses à la trame de l'histoire; mais dès qu'on dépasse la moitié du livre, on ne décroche plus! La fin est passionnante.
J'ajouterai toutefois une réserve sur la traduction de François Maspero. Malgré sa très grande qualité (où il a dû s'arracher les cheveux à retrouver tout ce qui est lié à la voile et aux vieux métiers), la traduction des noms de lieux me gêne. Même si les espagnols ont la fâcheuse tendance de traduire tous les noms communs les noms de villes et de pays (New-York se dit Nueva-York, par exemple); nous autre Français, c'est uniquement pour les grandes villes d'avant le nouveau monde... Mais là, le traducteur s'est amusé à traduire quasiment tous les noms: villes et villages, rues, quartiers et autres lieux-dits, ce qui prête à pas mal d'incompréhension pour la personne qui n'a jamais mis les pieds en Andalousie: des noms communs comme "la ligne" (entre Algésiras & Gibraltar), la coupure (la cortadura, canal coupant le bras de la presqu'ile de Cadix), le rosaire (quartier de Cadix), etc. prêtent vraiment à confusion. Surtout qu'il ne traduit pas tous les noms de villes (Puerto Real, par exemple, qui du coup aurait dû être traduit en Port-Royal!!!). J'aurai donc préféré qu'il ne traduise pas ces noms, renforçant ainsi la plongée du lecteur dans cette fresque historique.
A part cet aspect (anodin pour beaucoup), ce roman fleuve est de toute beauté; et me donne une fois de plus envie de retourner voir mes amis gaditans.
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