mardi 29 mars 2011

Le porte-lame de William S. Burroughs

Le porte-lameCela faisait bien longtemps que je n'avais pas lu l'un des livres de mon premier auteur favori, William Burroughs. Je profite donc de cette réédition

Résumé:
Nous voilà plongé en 2014, les USA sont en faillite, les grandes villes sont désertées suite à loi qui a bien mal tournée:la couverture sociale universelle. Et oui, paradoxalement cette loi a fait comprendre aux citoyens qu'il est plus facile d'accéder au soin en étant toxicomane ou grand malade. L'Amérique s'est peu à peu scindée en deux: ceux qui travaillent et gagnent beaucoup d'argent, et les autres, ne pouvant se payer les tarifs exorbitants de la santé privée, cherche à s'inoculer une maladie les rendant invalides au travail, pour être nourri, blanchi et (mal-)soigné par l'état.
Ainsi, en moins de 25 ans, New-York est devenue à l'image de "New-York 97" de John Carpenter, une ville dévastée peuplée de brigands, de toxicos et de chirurgiens et autres praticiens douteux de la médecine parallèle...

Ma note: ma note

Ma critique:
C'était l'une des rares nouvelles de William Burroughs qui m'avait échappé jusque là et je remercie les éditions "Tristram" pour cette première édition en français, 35 ans après sa parution aux USA... En fait, vu la brièveté de la nouvelle (moins de 100 pages), aucun éditeur francophone s'était lancé dans sa commercialisation. Écrit en 1974, après avoir lu l'œuvre de science-fiction du prolifique Alan E. Nourse, William Burroughs publia cette nouvelle intitulée "Blade Runner: a Movie", une sorte d'adaptation cinématographique (et psychédélique) couchée sur le papier.
William Burroughs n'était pas encore dans sa phase de cut-up mais nous y rapprochons. En fait, cette nouvelle découpe l'idée même du scénario, du synopsis, en devenant lui-même un texte pour devenir film et rester texte. Il s'agit d'une une mutation hybride entre ces genres.

On retrouve dans cette nouvelle de science-fiction la folie du Dr Benway du fameux "Festin Nu" avec ces interventions chirurgicales sans queues ni têtes. Cette vision apocalyptique de ce New-York délabré et grouillant de camés, de lépreux et autres dégénérés rappelle également la férocité de ses toxicos des "Garçons sauvages". Le contexte politique est également une partie non négligeable de la nouvelle avec ses petites attaques contre la société WASP fascisantes, les lobbys industriels, mais également l'avenir de l'homme face aux progrès de notre civilisation, qui nous conduisent peu à peu à devenir des mutants, affaiblies par tant d'antibiotiques et autres médicaments "miracles" dont les effets secondaires ne nous serons que révélés à la veille de notre mort, pas celle de l'homme, mais de l'humanité toute entière.

Quelques liens:

dimanche 6 mars 2011

L'homme inquiet d'Henning Mankell

De Paris à Cadix Voici la dernière enquête de Wallander. Henning Mankell conclue ici la saga de son fameux inspecteur, dommage que cette fois soit froide, à l'imagee du caractère de son personnage...

Résumé:
Grand-père d'une petite Klara, Wallander a réalisé ses rêves: vivre à la campagne avec son chien. Après avoir évoqué avec le commissaire la guerre froide et une affaire de sous-marins russes dans les eaux territoriales suédoises, le beau-père de sa fille Linda, ancien officier de marine, disparaît, puis c’est le tour de la belle-mère. Soupçons d'espionnage. Au profit de la Russie? Des États-Unis?
Parallèlement à la police de Stockholm et aux services secrets, Wallander mène sa dernière enquête. C'est alors qu’il amorce sa propre plongée en profondeur: les années écoulées et les femmes de sa vie défilent. Et la petite Klara devient son ultime balise…

Ma note: ma note

Ma critique:
Le quatrième de couverture annonce que c'est la dernière enquête de Wallander et le style est vraiment crépusculaire. Wallander qui n'était déjà pas un optimiste se morfond de devenir vieux et souhaite gérer sa fin de carrière loin des meurtres et des affaires, et être plus proche de sa fille et petit-fille. Pour souligner cette chronique d'une fin annoncée, l'auteur rajoute à chaque chapitre des souvenirs des précédentes enquêtes, et fait même revenir les anciennes amours de l'inspecteur. C'est sûr, c'est bien le dernier Wallander, et l'auteur se complait dans la solitude de l'inspecteur et passe à côté de son livre.

C'est le premier (et dernier) Wallander que je lis en français et je n'ai pas accroché au style. Le tutoiement avec les suspects m'a un tantinet énervé car le 'you' auquel j'étais habitué était pour moi bel et bien un vouvoiement. De plus, je n'ai pas trouvé le style et la traduction vraiment soignée. J'ai trouvé qu'il manquait cette élégance soignée aux précédentes enquêtes. On sent que le livre, et sa traduction, ont été faite dans la rapidité. On sent que ce livre est plus une commande qu'une envie. Il est difficile pour un auteur de tuer son héros, et là, Henning Mankell le fait vraiment sortir par la petite porte.
C'est à croire que l'auteur a voulu prendre à contre-pied son éditeur et ses fans les plus ardus. D'une part, tous ces rappels sur les affaires passées de Wallander me font vraiment penser à une commande, plus qu'à une véritable envie de boucler la boucle. Pour moi, elle l'était déjà depuis fort longtemps avec la première "vraie" enquête de sa fille, et que maintenant, la vieille Suède pouvait dormir...

Le début du livre commence bien, l'intrigue de la disparation du beau-père, puis de sa belle-mère captive, avec toutes ces ramifications politiques et d'espionnage. Et tel un secret d'état, on sent que la vérité a multiple facettes et que personne ne la détient vraiment. Le dernier tiers du livre embarrasse: ce n'est plus un polar, mais la chronique d'une fin annoncée; celle de la peur de l'inspecteur de perdre pied, ce sentiment d'angoisse viscérale et insidieuse effaçant petit à petit des parties de sa mémoire, et lui montrant la voie de sa déchéance. Henning Mankell n'offre pas de rédemption à son héros recurrent. Il critique même son absence d'engagement politique, ou, malgré la chute du mur il y a 20 ans, que personne n'a voulu créer cet ordre nouveau, ce nouveau monde, avec de nouveaux idéaux pour un monde meilleur.
Final mélancolique, nous ne saurons jamais le fin mot de l'histoire et la profonde détresse de l'inspecteur. Il est en mieux ainsi, et comme le rappelle l'auteur en toute fin de livre: la vie de Wallander ne nous appartient pas.
Encore un message qu'on lui a forcé la main pour écrire cette dernière enquête?

Quelques liens: