Ma critique:
Peu intéressés par ses 2 précédents livres (période trop ancienne à mon goût), je me suis toutefois laissé tenté par ce "Underworld USA", vu qu'il traite de la fin des glorieuses années de l'empire américain et que ces bouleversements (guerre du Vietnam; le Watergate, les assassinats douteux des grandes figures américaines) ont marqué, et marquent encore l'Amérique d'aujourd'hui.
Je m'étais assuré que chaque livre de la trilogie était bien indépendant. C'est le cas, même si on retrouve quelques personnages introduits dans le précédent (Dwight Holly & Wayne Tudrow Jr.). Au travers de cet énorme polar de 850 pages, je voulais donc en savoir plus sur ces grands pontes américains et l'analyse acide d'Ellroy sur cette époque. Et c'est même plus qu'une analyse, c'est une délation, à la limite de la diffamation, bien loin de l'image idyllique de l'American way of life.

James Ellroy n'y va pas de mains mortes: il nous décrit une Amérique totalement corrompue, où le FBI et la mafia travaillent main dans la main; totalement raciste et terriblement violente.
La première centaine de pages volent dans tous les sens et à une vitesse insensée. Il faut s'accrocher à ce débit ininterrompus d'anecdotes et de bravades des différents protagonistes qui se considèrent tous plus ou moins liés aux assassinats de J.F Kennedy, de son frère Bob, et celui de Martin Luther King, sans oublier ces centaines d'autres assassinats de noirs, cubains ou latinos, qui semblent un passe-temps comme un autre pour les forces de l'ordre de l'époque.
Bref, ce livre nous narre le crime sous toutes ses coutures, et le crime semble être le seul moteur de ce livre. L'intrigue du massacre du fourgon blindé est vite mis de côté pour qu'Ellroy nous balance à la gueule sa version de l'histoire: pas celle du livre, mais la Grande Histoire, celles des USA.

Au travers d'une demi-douzaine de personnages principaux, James Elloy tisse une toile monumentale sur les évènements politiques et sociaux de l'époque: les assassinats de Bob Kennedy et de Martin Lu(ci)ther King, le mouvement Black Power, les mouvements gauchistes, la mafia qui doit trouver de nouveaux moyens de blanchir l'argent de la drogue, la parano du patron indéboulonnable du FBI, J.E. Hoover et de quelques autres, comme Howard Hugues ou Richard Nixon, avec ses coups bas pour se faire élire.
Parmi ces personnages, on retrouve l'ambitieux Wayne Tedrow Jr., qui vient de tuer son père (ancien cadre du KKK) et qui négocie avec la mafia et les amis politiques de son père pour trouver un terrain d'entente pour un projet fructueux: construire de grands casinos en Amérique centrale et organiser des tours opérators vers ce nouveau paradis fiscal.
En parallèle, on suit le plan de l'agent spécial Dwight Holly, bras armé de la loi, sous la protection de J.E Hoover, qui entament un plan pour discréditer les mouvements Black-Power, et ce grâce à Marsh Bowen, flic noir cynique, génie de l'infiltration, qui se fait virer de la police en provoquant le flic violent Scotty Bennett.
Et donc au milieu, nous avons le jeune fouineur Donald Crutchfield, obsédé par les femmes, roi de la filature, et des obsessions secrètes de ses partenaires. Il découvre vite 2 choses: que chacun des personnages est lié par un biais ou un autre à ce fameux braquage. Et que deuxièmement, 2 femmes issues des mouvements gauchistes, vont et viennent entre ces hommes, et qu'elles semblent les manipuler à leur guise.

Il faut quand même beaucoup de temps pour que l'intrigue prenne forme. Au lieu de prendre un prétexte historique pour servir son histoire, il réécrit l'Histoire des USA et ne met qu'en filigrane son intrigue. Après le prologue sur l'attaque du fourgon blindé, l'auteur perd une centaine de pages à nous égarer dans les évènements historiques et politiques. Et paf, au bout de 150 pages, ils replongent dans l'horreur avec un crime horrible, et une véritable piste à suivre pour la fouine de Crutchfield. L'ennui, c'est que durant les 500 pages suivantes, James Ellroy nous égare dans sa haine de cette Amérique. Il trouve toutefois des subterfuges intéressants, tels les extraits des journaux intimes ou les communications privés enregistrés, et il n'hésite pas à liquider bien avant la fin du livre quelques de ses héros. Le mystère sur les femmes s'éclaircit, mais leurs motivations resteront floues jusqu'au bout, ainsi que les véritables commanditaires de l'attaque du fourgon blindé.

Le final est plutôt surprenant, car on s'attend d'une part à un complot ultra machiavélique et il n'en est rien: notre souhait d'une théorie du complot n'aura pas lieu: c'est le facteur humain qui déclenche et qui décide de tout; et la foi de ces hommes pour aller de l'avant, et tenir leur revanche. D'autre part, c'est ce final amusant qu débouche sur la fin de J.E Hoover et la destitution de Nixon. Ce récit en détaille-t-il la cause: à vous de le lire.

Pour conclure, sachez qu'au niveau du style, c'est du James Ellroy tout craché, une plume trempé dans l'acide (la drogue, évidemment). C'est incisif, violent et amoral (tout est violence et corruption). J'ai bien fait de ne pas le lire en anglais (comme je fais d'habitude), car non seulement il y a une multitudes de personnages vantants ses exploits passés, mais aussi un argot de l'époque un peu passé de mode (exemple: terme "maricauds" pour désigner les noirs et autres ethnies minoritaires); il joue également sur les sonorités (doublement de syllabes quand les blacks parlent, ou que les blancs les imitent; ajout de "K" un peu partout kand les adpetes du KKK sont évokés. C'est un peu dommage qu'il erre dans quelques longueurs mais son personnage principal, qui prend de l'ampleur au fil des pages, est attachant; on ressent une projection de l'auteur dans son personnage, un peu comme si au final, James Ellroy a été dans sa jeunesse cette fouine infâme des pires secrets de l'Amérique des années 60/70.

Quelques liens: