mercredi 27 juin 2012

Charles CUMMING - Trinity Six


Trinty Six Voici un roman d'espionnage très bien ficelé d'un jeune auteur anglais prometteur: Trinity Six. Quand une vieille intrigue de 50 ans en cache une autre, bien plus sérieuse et bien plus probable.
Résumé:
Sam Gaddis est professeur à l'université de Londres, spécialiste de la guerre froide et des affaires internationales concernant la Russie.
A court d'argent, il cherche un sujet "vendeur" pour écrire un nouveau livre. Par chance, il rencontre une charmante jeune femme ayant des documents secrets et des lettres confidentielles de sa défunte mère, ancienne secrétaire au KGB, et amoureuse d'un espion anglais.
Au même moment, une de ses amies le met en relation avec un vieux de la vieille garde anglaise, ayant soit-disant, les secrets sur un sixième traitre de Cambridge.
Sam Gaddis est tout excité de réunir ces documents mais avant même qu'il puisse voir si les affaires ont un point commun, son amie meurt d'une crise cardiaque, le laissant seul avec une tonne de documents et un vieillard très affabulateur.
A la recherche de ce sixième espion, Sam Gaddis ne sait pas qu'il remue les mauvaises pierres et que les vieux serpents vont se réveiller...
Ma note: ma note
Remarque: lu en anglais
Ma Critique:
La première trame du livre se base sur l'un des évènements majeures de la guerre froide en Grande Bretagne avec le cercle de ces 5 universitaires de Cambridge, qui ont été recruté au début des années 30 par les services secrets russes. Ces 5 universitaires finirent par occuper des postes plus ou moins importants dans les services de renseignements de sa majesté, et leur traitrise fut découvert assez tardivement dans les années 50. Leurs noms: Kim Philby, Guy Burgess, Donald Maclean, Anthony Blunt et John Cairncross.
Il est utile d'avoir précédemment lu des articles ou livres sur cet évènement de la guerre froide pour bien comprendre le contexte du début: Bechley Park, Philby, et la chasse au sorcière des années 50, etc. Je vous conseille d'ailleurs vivement de lire cet excellent ouvrage de Robert Littel "La compagnie", qui relate les grands coups d'espionnages entre CIA, KGB & MI6 lors de la guerre froide.
L'entame de la trame risque donc d'en rebuter quelques-uns, mais l'auteur explique de manière concise la genèse de ce cercle d'espions à la solde des russes; et la possibilité d'un sixième, inconnu de tous. Mais bon, on se dit, comment tenir sur tout un livre avec une action qui se déroule dans le temps présent? Ce n'est évidemment pas quelques dossiers brulants de 50 ans d'âge et l'apparition d'un nouvel agent double, à la retraite depuis longtemps, qui vont mettre en péril des relations internationales et la vie de notre héros.
Non, en effet, l'auteur nous offre une histoire à tiroir à double fond pour dévoiler un secret bien gardé, et fort crédible.
Durant les trois quart du livre, on se demande justement quel est ce secret, qui justifie tant de prise de conscience de la part des services secrets anglais et russes. L'idée est ingénieuse et superbement bien amenée. Charles Cumming nous emmène là où il veut, nous donnant quelques bribes d'informations et de sueurs froides pour nous tenir en haleine de bout en bout.
Je ne vous dévoilerai donc pas le secret final (qui est de taille), je vous invite vivement à vous accaparer de ce roman d'espionnage. Le livre a certes quelques travers, typiques des écrivains, qui n'ont jamais eu à traiter un emploi du temps. Le héros ne travaille pas (normal me direz-vous, il est prof!) et décide du jour au lendemain de partir aux quatre coins de l'Europe, alors qu'il est justement à court d'argent!
Ce genre de petit détails est certes peu de chose par rapport à la ribambelle d'auteurs américains, qui se contrefoutent de ces 2 contraintes (temps et argent) dans la crédibilité de leur propos.
Et donc à part ça, ce livre de Charles Cumming est une véritable réussite, et son petit secret un véritable bijou d'ingéniosité, totalement crédible.
Quelques liens:

vendredi 1 juin 2012

SHAME de Steve McQueen


 Cela faisait quelques semaines que je voulais vous parler d'un de mes derniers coups de cœur cinématographique pour un film bien étrange, troublant et envoutant. Je profites de cette quinzaine du cinéma pour en parler/
Synopsis:
Brandon est un bien séduisant trentenaire bien propre sur lui, bien peigné et tout à fait fréquentable, du moins en apparence. Il souffre en vérité d'une maladie qui consomme sa vie: l'addiction au sexe. Il ne vit que pour ça, enchaîne les filles d'un moment et les prostituées de luxe. Sa quête de sexe comble son manque de rapprochement sensible avec les autres...
Quand sa sœur Sissy, chanteuse un peu paumée, arrive sans prévenir à New York pour s’installer dans son appartement, Brandon aura de plus en plus de mal à dissimuler sa vraie vie, son addiction...
Ma note:
Ma critique:
Cela faisait longtemps que je n'avais pas eu un tel coup de coeur pour un film (d'auteur). Shame est un film envoutant, traitant d'un sujet un peu dérangeant (l'addiction sexuelle) de manière un peu glauque, mais traitée de manière absolument classieuse. Le réalisateur Steve McQueen maitrise toutes les subtilités de son art: le jeu d'acteurs, la mise en scène, la photographie et le montage.
Le film commence par nous dévoiler de manière indirecte l'addiction du personnage principal, le sexe. Cette scène introductive est entrecoupée par une scène d'anthologie qui se déroule dans le métro. Brandon, joué par Michael Fassbinder, déshabille des yeux une jolie rouquine; mais son regard scrutateur nous invite à comprendre qu'il ne dévisage pas seulement la belle: mais qu'il envisage!
C'est une scène d'une très rare intensité, un pur moment de cinéma. Tout est dans le regard: le moindre mouvement de l'iris scrutateur de Michael Fassbender qui se pose sur la belle Lucy Walters, déclenche une multitude de sentiments sur sa proie. D'abord un sentiment de gêne, remplacé peu à peu par une pudeur à la puissance sexuelle insoupçonnable. Cette scène vous trouble et vous fera penser à ces quelques regards croisés intimes que vous avez pu avoir dans le métro avec un(e) bel(le) inconnu(e), sans jamais avoir osé soutenir le regard, ni de faire le premier pas.
On pourrait résumer le succès, ou du moins le buzz, car "Shame" reste un film d'auteur, à la seule interprétation de Michael Fassbender. Je savais qu'il était un acteur remarquable, mais là, je suis littéralement conquis par sa prestation. Difficile de trouver les mots tant sa prestation est parfaite. Il suffit de voir et revoir cette scène introductive dans le métro pour comprendre. Je ne m'épancherai donc pas plus sur sa prestation. Je retiens surtout la parfaite alchimie entre un réalisateur, un acteur exceptionnel, un photographe, un musicien et une ville qui fait de ce film un chef d'oeuvre.
L'autre personnage de ce film n'est pas la petite Carey Mulligan, mais la ville de New-York elle-même. La caméra se promène dans les rues avec une lumière et prise de vue de toute beauté, tel un magazine de papier glacé. Du bar du dernier étage d'un hôtel, le boss de Brandon le rappelle: "putain j'avais oublié que cette ville est belle". C'est bien la noirceur d'en bas qui agit sur quelques âmes perdues: l'immensité de la ville nous renvoie directement à la vacuité de notre vie citadine. Le personnage de Michael Fassbender me rappelle celui de Willem Dafoe dans "Lightsleeper" de Paul Schrader; où là aussi, il s'agissait d'un homme perdu dans son addiction et dans sa ville.
Steve McQueen filme donc une ville et un acteur d'exception, et ce sans passer par le numérique. L’œil de la caméra nous guide là où elle veut et ne nous fait pas sauter aux visages les milles détails d'une ville. Ah ce que j'aimerai que tant de réalisateurs puissent comprendre les méfaits d'une caméra numérique dans un milieu urbain, où le moindre détail devient aussi clair que le premier plan. La photographie de Sean Bobbitt est un pur chef d’œuvre, tant dans le milieu urbain (le somptueux travelling du jogging nocturne), que dans le milieu intime (la partie fine à 3) que le côté voyeur.
Le dernier élément indissociable à la qualité de ce film est sa musique. L'atmosphère sereine et mélancolique composée par Harry Escott est une pure merveille. Et quand les notes de piano de Glenn Gould s'épanche sur la froideur des sentiments de Brandon, on devient totalement envouté par cette atmosphère.
Pour conclure, il est indéniable de clamer haut et fort "Shame" est un chef d’œuvre. Je préciserai toutefois que cela est un chef d’œuvre intimiste; c'est un cinéma de connaisseur, un cinéma masculin, un drame urbain, dans lequel il vous faudra vous plonger et ne pas juger la morale du personnage principal: il n'est pas quelqu'un de mauvais, il a juste vécu dans un endroit mauvais, et il s'est réfugié dans le seul exutoire d'un bonheur éphémère, sans comprendre que l'amour et la tendresse pouvait combler la vacuité de sa vie citadine... Crédits:
  • Réalisation: Steve McQueen
  • Pays: Angleterre / USA
  • Durée: 1H41
  • Acteurs Principaux: Michael Fassbender, Carey Mulligan, James Badge Dale, Nicole Beharie et Lucy Walters
  • Production: Emile Sherman et Iain Canning
  • Photographie: Sean Bobbitt
  • Musique: Harry Escott
  • Scénario: Abi Morgan et Steve McQueen
  • La scène culte: Le scène du Métro; le travelling du jogging nocturne
Quelques liens: