jeudi 17 septembre 2009

Un prophète de Jacques Audiard


Voici certainement le film français de l'année, qui nous plonge dans l'enfer de l'univers carcéral...
Synopsis: Condamné à six ans de prison, Malik El Djebena ne sait ni lire, ni écrire. A son arrivée en Centrale, seul au monde, il paraît plus jeune, plus fragile que les autres détenus. Il a 19 ans.
D'emblée, il tombe sous la coupe d'un groupe de prisonniers corses qui fait régner sa loi dans la prison. Le jeune homme apprend vite. Au fil des " missions ", il s'endurcit et gagne la confiance des Corses.
Mais, très vite, Malik utilise toute son intelligence pour développer discrètement son propre réseau...

Ma note:

Ma critique:
Dure réalité que la prison. Jacques Audiard n'a pas fait dans la dentelle, ni dans le facile. Il a tenté d'apporter une vue objective sur la prison. Ce n'est pas un monde d'anges, ni un enfer au quotidien. Mais c'est un monde résolument sordide où la moindre faiblesse est exploitée par les meutes de truands et de petites frappes. Jacques Audiard évite les gros clichés hollywoodiens sur la prison et le mal-être des incarcérés qu'il nous jette à la figure nous semble plus que réel.

Bizarrement, ce hui clos carcéalra raconte l'ascenscion sociale du jeune Malik dans cette société. Il arrive seul, démuni, il ne sait ni lire ni écrire, il est sans connaissance, ni à l'extérieur et encore moins à l'intérieur. Et pourtant, il va s'en sortir, en étant malmené par un parrain corse intraitable, qui voit en lui la victime idéale: un esclave.

On ne voit vraiement pas le temps passé (2H30) car la mise en scène est menée de main de maître. Atmosphère étouffante avec l'univers gris et sale de la prison, des murs et barreaux omniprésents, il y a pourtant une liberté qui se dégage de ces êtres. Ils gardent un pouvoir et une aura sur l'extérieur. C'est assez surprenant et les rares et éphémères sorties du jeune Malik procurent de véritables montée d'adrénalines. Jacques Audiard donne ce sentiment étrange que l'intérieur de la prison est plus sécurisant, moins dangereux. Ou du moins, plus simple à comprendre. Jacques Audiard révèle dans ses interviews que pour lui, son univers carcéral est une métaphore de la vie en société où il faut apprendre à louvoyer, à composer avec les forces contraires, à choisir le moindre mal, ou la solution la moins pire, tant qu'une vraie solution n'est pas acquise.
Le film est d'ailleurs une belle incarnation de la dialectique du maître et de l'esclave, qui va au-delà de la relation père/fils ou amître/apprenti. Ce n'est qu'à la fin que l'on comprend mieux le petit jeu auquel s'est plié Malik durant toutes ces années de labeur pour son maître.

Ce film est aussi épostouflant par la prestation de ses principaux acteurs. Niels Arestrup est tout simplement ENORME! Il va encore raffler un césar mais espérons que cette fois cela soit comme meilleur acteur. Sa prestation est un exemple du genre sur le pouvoir par la parole, le silence et surtout le regard. Il nous sort des répliques que tout acteur aimerait jouer (le "mais c'est quoi ces bonnes nouvelles là!"), il incarne désormais le grand méchant du cinéma français. Face à lui, le jeune Tahar Rahim est tout autant impressionnant dans l'humilité. Avec sa gueule cassée, il nous surprend pas à pas et nous sommes heureux du dénouement. Et même s'il est loin d'être un ange, il est toujours réconfortant de voir que c'est un méchant s'en prend à de plus méchant que lui; et c'est là aussi une récurrence du cinéma d'Audiard: rendre beau et humain des êtres qui, à première vue, n'en mérite pas la peine.

Info sur le film:
  • Réalisation: Jacques AUDIARD
  • Scénario: Jacques Audiard, Abdel Raouf Dafri, Nicolas Peufaillit et Thomas Bidegain
  • Principaux acteurs: Tahar RAHIM et Niels ARESTRUP

Quelques liens:

lundi 31 août 2009

Inglorious Basterds de Quentin Tarantino


Voici donc le dernier Quentin Tarantino, qui ne fait pas dans la dentelle, et qui s'amuse avec l'histoire de la deuxième guerre mondiale...
Synopsis: Dans la France occupée de 1940, Shosanna Dreyfus assiste à l'exécution de sa famille tombée entre les mains du colonel nazi Hans Landa. Shosanna s'échappe de justesse et s'enfuit à Paris où elle se construit une nouvelle identité en devenant exploitante d'une salle de cinéma.
Quelque part ailleurs en Europe, le lieutenant Aldo Raine forme un groupe de soldats juifs américains pour mener des actions punitives particulièrement sanglantes contre les nazis. "Les bâtards", nom sous lequel leurs ennemis vont apprendre à les connaître, se joignent à l'actrice allemande et agent secret Bridget von Hammersmark pour tenter d'éliminer les hauts dignitaires du Troisième Reich. Leurs destins vont se jouer à l'entrée du cinéma où Shosanna est décidée à mettre à exécution une vengeance très personnelle...

Ma critique:
Alors que je m'attendais à un vrai film de guerre revu et corrigé par Quentin Tarantino, j'ai été surpris de constater que cela n'en est pas vraiment un. Avec un côté pastiche, en hommage au cinéma d'antan, Quentin Tarantino surprend une fois de plus son monde en nous dévoilant une histoire d'un comique un peu déplacé, abracadabrantesque et d'une méchanceté gratuite telle que l'on peut en attendre de notre sale gamin (préféré) d'Hollywood, qui décide avec ce film de revisiter une partie de la deuxième guerre mondiale...
En entamant son film tel un western spaghetti, avec des gros plan sur les gimmicks des acteurs; avec insertion des surnoms de ceux-ci, on s'attend à rire. Mais comme dans les films de Sergio Leone, ce sont les pauvres paysans qui trinquent, et ce, dans la plus grande indifférence. La scène de l'exécution de la famille de Shoshanna est magistrale, et Christoph Waltz a la méchanceté de Lee Van Cleef, et la classe d'un Anthony Hopkins.

Après, Quentin Tarantino développe plus son style habile de comment je mets le bordel absolu avec classe. Comme souvent dans ses films, il y a cette scène, tout en nuance, où le plan semble se déroulait sans accrocs, et qui vous pête à la figure et vous arrache le bout du nez. Avec les costumes de l'armée nazie, le charme de Diane Kruger, cela en serait presque du théâtre, car chaque mot est placé, prêt à incendier la salle avec le silence qui s'en suit.

Les dialogues de ce "Inglorious Basterds" sont magnifiques et partent pas mal en longueur, mais bon, quand ils sont aussi bien placés par Christoph Waltz, cela passe très bien. Mais bon, ce n'est pas lui, ni le style décontracté de Brad Pitt qui font que ce film est un chef d'oeuvre. La fin nous rappelle que c'est juste du cinéma et que c'est bien de rire de tout, même des juifs et des nazis.

Info sur le film:
  • Réalisation: Quentin TARANTINO
  • Scénario: Quentin Tarantino et Tom Tykwer
  • Principaux acteurs: Brad PITT, Christoph WALTZ, Mélanie LAURENT, Diane KRUGER, Eli ROTH et Julie DREYFUS

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jeudi 30 juillet 2009

The reader de Stephen Daldry


Synopsis: En Allemagne de l'Ouest, quelques années après la Seconde Guerre mondiale. un adolescent, Michael Berg, fait par hasard la connaissance de Hanna, une femme de trente-cinq ans dont il devient l'amant. Commence alors une liaison secrète et passionnelle. Pendant plusieurs mois, Michael rejoint Hanna chez elle tous les jours, et l'un de leurs jeux consiste à ce qu'il lui fasse la lecture. Il découvre peu à peu le plaisir qu'elle éprouve lors de ce rituel tandis qu'il lui lit L'Odyssée, Huckleberry Finn et La Dame au petit chien, etc. Hanna reste pourtant mystérieuse et imprévisible. Un jour, elle disparaît, laissant Michael le coeur brisé.
Quelques années plus tard, devenu étudiant en droit, Michael assiste aux procès des crimes de guerre Nazi. Il retrouve Hanna... sur le banc des accusés. Peu à peu, le passé secret de Hanna est dévoilé au grand jour...

Ma critique:
Distribuer un film sur un sujet aussi sérieux et dérangeant en plein été est assez suicidaire dans sa logique commerciale, surtout que le film a déjà été distribué dans toute l'Europe depuis, déjà, plusieurs mois. Mais bon, à ce qu'il parait, le film a failli de n'être jamais distribué dans notre contrée: on ne va donc pas faire la fine bouche. Ce film est un chef d'oeuvre d'émotion et il mérite qu'on s'y attarde.
Et c'est vrai dès qu'on parle du sujet épineux de la Shoah, je ressens un certain malaise quand ce traumatisme sert de levier dramatique et romanesque. Pourtant là, j'ai été bouleversé par la trame de cette histoire. Stephen Daldry ne tombe pas dans le piège de la démagogie, il reste neutre face au passé de l'héroïne et laisse le spectateur comme seul juge. Le film dépasse le simple cadre de la représentation historique, car le sujet tourne plus sur la gestion de ses sentiments mis à bas, de sa honte intérieure (celle de l'héroïne ou du jeune héros), que de la culpabilité reconnue de ses actes passés.
C'est aussi un film sur l'amour nostalgique, où le souvenir de l'émancipation sexuelle du jeune Michael rappelle le film de Robert Mulligan "Un été 42" où la beauté d'une femme plus âgée bouleverse l'âme de l'adolescent. Mais à la différence que dans "The reader" cela commence de suite par la liaison amoureuse. Nous sommes donc bien lien du songe dans lequel rêve Herbert (de l'été 42) et pourtant, il y a en commun cette nostalgie d'un amour impossible, interdit, qui meurtrie à jamais les 2 jeunes hommes. Et la plaie du jeune Michael Berg s'ouvre béante quand il découvre le passé de sa belle, ancienne tortionnaire dans un camp nazi.
Le plus bouleversant est que le jeune homme, est là pour étudier le procés et qu'il a la possibilité de sauver son ancien amour. Il est dans ce profond désarroi de découvrir ce passé qu'il ne pouvait imaginer, qui percute de plein fouet ses souvenirs d'amour et de pure beauté. Il aimerait tant plaider pour sa belle, mais il comprend vite que la défendre serait en un sens la trahir.
Le dernier tiers du film est splendide et met la boule au ventre.
L'intensité du regard de Kate Winslet y joue pour beaucoup, elle joue le rôle d'une femme paradoxalement froide et assez frustre, et qui par moment dégage un sentiment de bonheur et d'amour. Je dois l'avouer: j'ai un gros faible pour Kate Winslet. Depuis que je l'ai vu dans "Créatures célestes"; où elle m'a mise littéralement en émoi, je suis fan. Et avec ce film, mon coeur s'est mis une fois de plus en émoi. Ce qu'elle est belle et naturelle, et surtout, qu'est-ce qu'elle dégage comme sincérité. Son oscar pour meilleure actrice est amplement méritée. Le jeune David Kross est quant à lui très bien, et dire qu'il n'était pas majeur au début du film (rassurez-vous, pour les scènes de nues, les producteurs attendirent qu'ils aient sa majorité!). Ralph Fiennes est également superbe dans sa sobriété, d'homme tiraillé par un amour honteux aux yeux de tous qui aimerait redonner un visage humain à son ancienne amante.

Info sur le film:
  • Réalisation: Stephen Daldry
  • Scénario: David Hare, d'après le roman de Bernhard Schlink, paru en 1995, qui a été le premier roman allemand contemporain en tête de la liste des best-sellers du New York Times.
  • Principaux acteurs: Kate Winslet, David Kross, Ralph Fiennes, Bruno Ganz, Susanne Lothar, Lena Olin, etc.
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vendredi 24 juillet 2009

Embrasser le ciel immense de Daniel Tammet


Résumé: Daniel Tammet est un autiste Asperger, génie des nombres et des langues. Aujourd'hui, il a vaincu la prison de l'autisme : c'est un écrivain à part entière, un savant plein d'humanité et doté d'une sensibilité bouleversante. Les plus grands neuroscientifiques du monde se sont penchés sur son cas et ont dialogué avec lui. Il a appris sur la façon dont son cerveau (et celui des autres) fonctionne, qu'il a voulu nous raconter ses découvertes. Apprendre, raisonner, calculer, mémoriser, créer... Les capacités de l'esprit humain sont infinies.
Ma critique:

J'aime bien de temps en temps me faire un petit livre de vulgarisation scientifique, pour m'ouvrir l'esprit. Et avec ce livre, le but est atteint. C'est un livre instructif, simple et positif qui donne envie de mieux utiliser son cerveau, au lieu de le laisser végéter avec toutes ces facilités technologiques du monde moderne.

Ancien autiste d'Asperger, Daniel Tammet a su vaincre les symptômes asociaux de sa maladie pour s'ouvrir sur les autres et nous faire ainsi partager son expérience hors du commun. Il est aujourd'hui considéré comme l'un des "100 génies" de notre siècle, et avec ce livre, on fait tout le tour de notre boite crânienne, et ce sous toutes les coutures.
Ce qui frappe à la lecture de ce livre, c'est l'humilité avec laquelle Daniel Tammet écrit. Ce n'est ni trop technique, ni trop simpliste; il nous raconte avec fascination toutes les prouesses dont est capable le cerveau. C'est d'ailleurs surprenant d'avoir quelqu'un d'aussi positif et ouvert sur son monde. Comme il l'explique, le cerveau travaille sans cesse, et contrairement à ce que nous avons longuement cru, il se regènerre sans cesse, à condition qu'on le fasse travailler comme il faut.

L'auteur indique une multitudes de conseils, surtout basés sur l'association d'idées, permettant ainsi d'enrichir notre mémoire. Il nous fait vite comprendre qu'un savoir isolé, appris bêtement, est un savoir qui s'oubliera très vite (cela en dit long sur notre système d'éducation où j'ai eu l'impression d'apprendre sans comprendre).
Si l'on veut apprendre et retenir, l'auteur nous invite à inclure dans notre processus d'apprentissage et de mémoriation nos cinq sens et d'associer ces nouvelles idées avec d'autres savoirs, renforçant ainsi les liens ente toutes ces connaissances. Si je devais faire une analogie avec le cyberespace, notre cerveau est un peu comme une page web: si cette pagee n'a pas de lien hypertext dans tous les sens (pour y venir et pour y sortir), alors il y a peu de chance qu'on la retrouve, et se retrouvera vite perdue dans la masse d'information.

Pour l'auteur, les choses simples comme un chiffre ou une lettre a des formes distinctes, des couleurs, sonorités et même des odeurs. Comment voyez-vous le chiffre 9? Comment l'entendez-vous? C'est surprenant de savoir qu'il peut pour chaque chiffre écrire un long paragraphe descriptif, voire même un roman pour les chiffres premiers!!!

Les 2 conseils de l'auteur pour que notre cerveau s'enrichisse durablement est donc d'associer, mais aussi de comprendre en découpant chaque idée, chaque pensée, par des idées plus simples, permettant ainsi d'avoir un enchainement logique.

L'autre point très intéressant du livre, est le descriptif de son cas, et de celui de bon nombre d'autistes savants. Il explique que pour la plupart des cas, ils ont souvent une malformation du cerveau qui font que les connexions au sein de celui-ci sont nettement moins compartimentés. En effet, chaque zone du cerveau (hémisphère droit/gauche, lobe frontal/occipital/pariétal/temporal, etc. - voir animation ci-dessous) est dédié à un savoir, un type de connaissance (vue, odorat, langage, etc.). Et que pour leur cas, ces aires sont souvent décalés ou empiètent les uns sur les autres, rendant ainsi une association plus riche mais tout autant décalé, expliquant ainsi (enfin, de manière simpliste) pourquoi les autistes n'ont pas du tout la même représentation du monde qui nous entoure, ou totalement bloqués par une action anodine; du fait que la zone du cerveau qui réfléchit perçoit les signes extérieurs par un prisme biaisé, ou pollué par une multitude d'informations inadéquates.


Livre passionnant, je reproche quand même une certaine superficialité de l'auteur sur le sujet. A trop embrasser notre cerveau, il enlace mal le sujet. Cela m'a rappelé les bouquins de vulgarisation scientifique ou comportementale d'auteurs américains, où on a l'impression que l'auteur enfonce les portes ouvertes de notre perception du monde. C'est le défaut des livres de vulgarisation, on aimerait parfois aller plus loin dans un sujet précis, quitte à s'y perdre. L'autre point négatif est que ce livre nous rappelle que nous sommes tous loins d'être plus intelligent que la moyenne et que cela se travaille énormément: il faut arrêter d'utiliser une calculette ou de faire appel sans cesse à tous ces outils qui nous simplifient la vie.... Snif!

Quoiqu'il en soit, malgré cette revue d'ensemble sur les capacités de notre cerveau, c'est une bol d'air d'humanisme et d'intelligence, qui nous rappelle qu'on a souvent besoin d'un plus petit que soi et que la différence est un bien. Et comme le disent si bien les cyniques "on est toujours le con d'un autre", cela n'empêche pas d'être plus intelligent que ce dernier.


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Bonjour à tous.
Ceci est mon premier message sur ce blog.